RESEAU
pour les Droits Citoyens et Sociaux
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Communiqué de Presse
9/12/2008
IL N'Y A PAS DE PAIX SANS JUSTICE
L'impunité de la police
Hélas,
L'assassinat cruel d'Alexandros Grigoropoulos ne fut pas “un tonnère dans un ciel dégagé”. Il fut un acte à froid, ne répondant à aucune provocation de la part de l'adolescent. Or, il s'agit d' “une mort préméditée”. Pourquoi ?
Parce que la main du meurtrier était armée, et ce, depuis longtemps :
– par la violence policière qui reste sans punition, car, reglémentée, légitimée, diffuse, visant les immigrés, les victimes des marchands de drogues, les gitans, la jeunesse révoltée...
– par l'omniprésence de la police, par l'infiltration dans la société du “cannibalisme policier” et de la figure du “ super Agent à la Rambo”, qui se vante à propos du nombre d' immigrés ou de junkies qu'il aurait humiliés...
Hélas,
Alexandros a été sacrifié sur l'autel de la “Sécurité”.
Terrible déesse contemporaine que cette “Sécurité” qui remplit nos villes d'assassins en costumes de forces de l'ordre, qui renvoie dans les profondeurs des eaux de la Mer Egée des réfugiés, qui tente de convaincre le salarié et le chomeur, le licencié et le membre actif des rangs des travailleurs, que ceux-ci ne sont pas menacés par les nantis, ils ne sont pas menacés par le capital, ni par les mécanismes repressifs de l'état, ni par les multinationales, mais par quelques “individus dangereux” - en particulier par ceux qui sont plus faibles qu'eux, plus exploités qu'eux,plus opprimés encore : par les sans abri, les sans papiers, les sans travail, les sans salaire, les sans avenir...
Bien que cela paraît utopique et paradoxal, nous persistons et signons :
- Nous demandons la dissolution des MAT (CRS) et des Corps de Gardes Spéciaux
- Nous exigeons le désarmement de la police
Le pillage de nos vies
Le néolibéralisme impose l'autorité incontrôlée du marché.
Il impose l'exploitation grandissante et l'opression de plus en plus dure de ceux qui sont placés sur les bas étages de la pyramide des hiérarchies économiques et sociales. Mais le néolibéralisme n'est pas que cela.
Le néolibéralisme est la domination sans frein des pauvres par les riches, le mépris absolu des droits individuels et collectifs, pire encore :
Le néolibéralisme diabolise les plus faibles et les culpabilise face à leur propre pauvreté et misère...
Heureusement, le mythe de “la fin de l'Histoire” s'est déjà écroulé.
L'idéologie de la “prospérité née grâce aux libres marchés” est trainée dans la boue. La crise économique mondiale ne laisse plus aucune marge pour fonder la moindre illusion nourrie des mensonges des grands patrons.
En Grèce, le gouvernement de droite actuellement en place, sous l'impulsion de son premier ministre, M. Karamanlis, a dissous le domaine du service public. Il a contribué à ce que les prix décollent et les salaires stagnent, voir, baissent. Il a pillé les biens sociaux, a cambriolé les caisses de la protection sociale, a condamné des centaines de milliers de personnes à vivre dans la précarité, la pauvreté et l'exclusion sociale. Et pour arriver à ses fins, ce gouvernement s'est incliné devant la boulimie de l'Eglise, il a pratiqué l'anthropophagie de la Justice et de la Police.
Ce gouvernement qui pille l'environnement, qui brade le domaine public,
qui humilie le labeur humain, qui tue des réfugiés et assassine des enfants, doit tomber.
Non pas pour que lui succède le parti socialiste, dit PASOK, sous le mandat duquel nous avons vécu l'assassinat, par les mêmes forces de l'ordre, d'un autre adolescent, Michalis Kaltetzas... Non pas pour que lui succède ce parti socialiste qui a voté pour la loi anti-terroriste, piègeant depuis la vie publique et la libre expréssion citoyenne...
Ce gouvernement doit tomber car nous n'en pouvons plus,
car nous ne pouvons plus le supporter,
car nous méritons une vie humaine digne de ce nom.
L'insurrection
Le meutre froid d'Alexandros a mis le feu au plus grand mouvement insurrectionnel en Grèce depuis la chute de la dictature militaire, en 1974.
Le mouvement d'aujourd'hui est plus important et plus massif, plus suivi - au niveau panhellénique - et plus dur encore que celui du 25 mai 1976, contre la loi 330. Il est plus important que celui de l'Ecole Polytechnique de 1980, il s'avère plus suivi que le mouvement contre l'assassinat de Michalis Kaltetzas en 1985, plus décisif que l'explosion suite au meurtre de Nikos Temponeras en janvier 1991.
Cette révolte n'a pas été provoquée seulement par la mort de l'adolescent.
Ce mouvement exprime l'asphyxie, la colère, la haine ressenties par tout un monde - appelé “les précaires” - qui subit, au quotidien, la réalité de l'univers vertueux des nantis : la précarité, le nomadisme salarial et la fléxibilité de l'emploi, les humiliations de toutes sortes, la violence policière sur les places publiques, dans les terrains de football, dans les rues, l'étouffement de tout espoir pour une vie humaine et digne de ce nom.
Parmi les milliers de personnes (jeunes ou moins jeunes) qui caillassent les policiers et les comissariats (et parmi les personnes qui attaquent aussi des banques et cassent des commerces - petits et grands – à tort, certes, mais, oh ! combien peut-on énumérer de motifs alimentant leur colère et leur haine aveugles...), parmi ces manifestants, donc, se trouve une grande partie de la jeunesse hellénique, des personnes surqualifiées et sous-employées, des chômeurs, des étudiants, des lycéens et des collégiens, des enfants d'ici ou d'ailleurs, des citoyens politisées à l'ancienne - ou non, qui trouvent l'occasion d'exprimer leur désaccord, leur haine, leur désaveux face aux représentants des forces de l'ordre, aux politiciens, aux riches, aux symboles de la puissance économique, de la ploutocratie, de la marchandisation de la vie. Ils expriment aussi leur haine et leur mépris face à ce qu'ils désirent mais ne possèdent point dans ce système fait de “luxe illusoire” et d' ”hypocrisie prospère”.
Dans cet état de choses, mise à part les Anarchistes et les contestataires du pouvoir, qui, par principe, participent, en pionniers, aux heurts contre la police, une grande partie de la gauche radicale a refusé de se placer au côté de l'ordre et de l'obéissance. Ceci est en son honneur. Malgré toutes ses divergeances, malgré toutes ses oppositions aux “casses” et “pillages”, cette grande partie de la gauche radicale, donc, n'a pas “condamné les incidents” et est sortie dans les rues manifester, malgré ou avec les “cagoulés”, criant des slogans tels que : “ils vous parlent de profits et de dommages matériaux, nous vous parlons de coûts en vies humaines...”.
Une grande partie de la gauche radicale et de nombreux citoyens ont compris que “l'action précède la théorie...” .
Ils ont haussé sans conditions leurs corps contre la barbarie de la police.
Nous voulons espérer que cela va durer.
C'est tellement important ce qui se passe actuellement en Grèce, que nous ne pouvons changer d'avis à cause de quelques faits.
Désobéissance et confrontation
De Brixton à Los Angeles, de Gènes à la révolte des Banlieues françaises, heureusement ou malheureusement, de façon bien réelle, les passages et les chemins de la révolte sociale s'avèrent dépendre de l'état général de la société.
Comment serait-il possible qu'il en soit autrement ?
L'état de la société, tout comme l'état du mouvement social et de la Gauche (toutes tendances confondues), nous poussent à descendre dans les rues par milliers pour protester contre la mort d'un jeune homme de 15 ans.
Or, ceci n'est pas suffisant pour développer un mouvement de lutte défendant un projet politique abouti. Aurions-nous donc une préférence pour les commémorations et les anniversaires ?
Il est préférable - et urgent - que nous pensions les chemins et les moyens grâce auxquels ce potentiel social, ce monde pillé et asphyxié qui manifeste depuis cinq jours dans les rues, puisse s'exprimer – par d'autres voies aussi - et donner des résultats qui perdurent.
En tant que Réseau athénien pour les Droits citoyens et sociaux, nous participons et soutenons sans conditions la révolte actuelle contre le gouvernement, contre le pouvoir de l'argent et de la police.
Nous saluons la colère sociale contre le pillage de nos vies pratiqué par le gouvernement et contre le terrorisme de l'Etat. Nous saluons la rage des millions de gens face au meurtre d'Alexandros Grigoropoulos, nous saluons la participation de milliers de jeunes et d'adolescents aux sièges de commissariats de police à travers le pays.
Nous sommes :
- contre les déclarations à poigne du Premier ministre,
- contre l'adoration de la légalité à tout prix, exprimée par l'opposition parlementaire,
- contre les opérations de “nettoyage” menées par la police,
- contre les “expressions spontanées” de “commerçants excédés par la situation”, voire, contre les attaques de manifestants par des fascistes qui épaulent farouchement les agents de police,
- contre les révérances devant les autorités établies et le maintien de l'ordre que le “Syndicat national des Travailleurs Hellènes” aime à faire,
- contre les déclarations du parti communiste grec dénigrant ceux qu'il ne peut contrôler
- contre la déformation de la réalité et contre la calomnie à notre égard pratiquées par les médias - les chaînes télévisées en particulier.
Notre réponse est la suivante :
Les combats sociaux ne sont ni innoccents, ni coupables. Ils sont justes.
Si des milliers de personnes portent des cagoules, alors, ils obtiennent un visage !
Exarcheia,
Athènes, 9 décembre 2008.
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